Amazonie. Rocafuerte - Iquitos (8 jours)
Il est midi a Panacocha le quatrième jour, le
bateau est en vue et comme prévu fait un arrêt pour le déjeuner. Il est temps
pour Andres et moi de partir.
On salue généreusement un village qui nous
avait dès le début accepté avec bienveillance.
Je charge le vélo comme je peux du fait du
manque de place. Le bateau voyage à plein mais bientôt je trouve ma place après
m’être frayé un chemin entre des marchandises allant de la télé aux caisses de
fromages frais.
Au fond du bateau, 2 roumains conversent avec 2
suissesses. Le reste du bateau est composé de locaux habitant le long du rio Napo ou de
travailleurs des compagnies pétrolières.
Je me laisse aller à des rêveries au fil de l’eau.
La nuit est là depuis un moment et c’est bientôt
l’effervescence de la descente du bateau.
Il a été construit il y peu suite à la guerre
entre le Pérou et l’Equateur. L’anciene ville de Rocafuerte est passée du côté
du Pérou et est devenue Pantoja. Nuevo Rocafuerte signifie, la « Nouvelle
Rocafuerte »
On en profite aussi pour aller aux nouvelles
concernant les bateaux qui font le voyage jusque Iquitos au Pérou.
La réponse est sans appel, il y a un bateau
tous les 15 jours et il est parti il y a deux jours…Coincés.
La nuit a porté conseil, on
décide de lever le camp ce matin et on arrange un voyage en pirogue jusqu’au
village frontière côté Pérou.
On évaluera la situation sur place. On ne perd
rien, ici, on a fait le tour.
Je tombe des nues et je lui dis
que je vais bien rechercher dans mes affaires si je le retrouve. En fait, il me
faut réfléchir. Revenir en arrière est trop compliqué, il va falloir négocier.
Finalement, j’envoie parlementer
la personne qui va nous faire traverser le frontière en pirogue. Ils se
connaissent, il va argumenter le fait que je suis un jeune étudiant sans le
sou. Après de longues palabres, le douanier me fait un faux document et il
encaisse 50 dollars, bien sur direct dans sa poche.
On fait rapidement la connaissance de Pepe et
la belle histoire commence.
Finalement, on s’accorde sur 150
dollars pour 5 jours de voyage jusque Iquitos avec un guide chevronné et la
promesse de découvrir cette Amazonie qui me fait rêver. (entre parenthèses, le
prix payé par les finlandais était de
1000 dollars la semaine).
[ L’expérience des cinq jours qui vont suivre est tellement dense en moments de vie qu’il m’est difficile de la retranscrire en détail. Deux moments forts tout de même: l’expérience chamanique et le bivouac en pleine forêt. Et en tres résumé, L’Amazonie, c’est comme dans mes documentaires de jeunesse, une pirogue qui remonte un fleuve marron avec des deux côtés des arbres immenses. C’est comme dans les documentaires sauf que je suis rentré dans la télé. ]
Le chaman…
Le chamanisme amazonien s’est
présenté ce matin. Bien sur avant de venir en Amazonie, j’ai pensé à
l’expérience formidable qui consisterait à être initié à une cérémonie
chamanique.
Et sans la chercher, elle va se
présenter au détour d’une conversation. Notre guide discute des croyances des
populations ici et indique que si l’on est intéressé, il connaît un endroit où
lui-même a été initié. Une lumière vient de s’éclairer dans mes yeux.
Le lendemain, je jeune et on
arrive en vue de l’habitation du chaman en début d’après-midi. Le guide descend
tout seul, il lui faut parlementer.
On est autorisé à débarquer et
bientôt, on est assis sous le toit de palmes de son humble demeure. Pas de
plumes ni de peintures. Pas de chichis mais une ambiance.
L’endroit a une énergie
particulière. Le guide est tout en remontrances devant le chaman, impressionné.
L’homme est très entouré, palabre dans la pièce principale
quand deux de ses quatre femmes cuisinent à l’arrière.
Je me présente et rapidement, je suis attiré par la cuisine…
Sur des feuilles de palmes, une tête de tapir et une moitié
de singe. Les hommes salent la viande et les femmes préparent le massato.
Le massato pour un européen, c’est assez exotique. On fait
une purée à base de yucca (manioc) dont une partie est mastiquée par les
vieilles femmes de la maison et recrachée dans la purée. La salive aide à la
fermentation. Ensuite, on arrose le tout d’eau marron directement puisée dans
le fleuve.
C’est la base de l’alimentation ici. Et quand un visiteur se
présente, il est de bon ton de ne pas refuser l’invitation… Au gout c’est
moyen, ca pique comme un lait fermenté et des bouts filandreux de yucca vous
reste entre les dents. Mais le plus inconvenant viendra par la suite avec le
passage aux selles.
Après les palabres, il est temps de préparer la cérémonie du
soir, de préparer le voyage sous ayahuasca…
L’ayahuasca est une liane, qui mélangée avec des feuilles de
yage vous permet de vous nettoyer de vos maux intérieurs mais permet aussi un
voyage aux pays des rêves hallucinogènes à la rencontre de l’esprit de la
forêt.
On se dirige donc derrière la maison pour trouver les
ingrédients à la préparation. Ensuite,
tout est bouilli pendant une heure et demi environ. Se forme alors une
mélasse au fond de la marmite. C’est prêt.
Le voyage se fait de nuit, les yeux ouverts.
La maison s’est endormie, les enfants dorment à même le sol.
Je partage l’expérience avec les deux chiliens. On est assis en cercle. Le
chaman récite une bafouille dans une langue inconnue et m’invite à boire l’équivalent
du contenant d’une pellicule photos. Il se retire et dit revenir une demi heure
plus tard… Je ne saurai jamais si il est revenu une demi heure apres.
Je perd la notion du temps, l’espace est déformé, je suis
comme dans un rêve mais j’ai les yeux ouverts. Et puis la magie opère, je
survole la forêt amazonienne en compagnie d’un perroquet. Je vois beaucoup de serpents dans ma divague,
perd completement pied…
Et, tout à
coup, une mélodie fabuleuse se fait entendre. Dans mon rêve éveillé, une
petite indienne vient de sortir de la forêt en jouant de la flute. J’ai comme un reflux émotionnel, le
moment est juste...beau.
La mixture
vous entraine dans une rêverie mais le charme peut retomber brusquement et vous
revenez dans une semi réalité. Je m’aperçois alors que la mélodie de la petite indienne est en
réalité le sifflement du chaman qui agit comme un véritable catalyseur
émotionnel.
Il agite aussi un bouquet de feuilles séchées et le
bruissement de celle-ci me fait bondir comme un chat pris par surprise.
Trois
heures passent ainsi et le charme retombe. Je me couche sur le flanc, pensant
trouver le sommeil mais quelques minutes plus tard, je me réveille en spasmes
et me dirige comme je peux pour vomir extirpant les maux de mon corps comme il
se doit finalement dans pareille cérémonie.
Le calme est revenu, je sors et m’éloigne quelque peu de la
maison. Je suis comme dans le coton, le ciel étoilé, lumineux, se détache des
ombres chinoises formées par les cimes des arbres.
Je me vois alors remercier la forêt aux quatre coins
cardinaux. Je la remercie de m’avoir accepter en son sein. C’est cette
impression qui domine, comme si j’avais franchi une porte, que ca s’est bien
passé.
Et je
ressens un immense plaisir d’être comme accepté. Je ne suis plus un étranger.
Je m’endors
doucement dans mon hamac et me réveille quelques heures plus tard. La demeure
est en effervescence, j’ai le sourire jusqu’aux oreilles, une paix intérieure.
Je croise
alors le chaman, il vaque déjà à une tout autre activité. je lui dis merci. Il
sourit.
Le soleil est deja haut dans le ciel, il nous faut repartir.
Le
bivouac version forêt amazonienne…
On s’arrête aussi en chemin acheter une poule à
un habitant, elle nous régalera ce soir au bivouac…
On installe les hamacs, la
moustiquaire complètement hermétique et une bâche en cas de pluie cette nuit.
On confectionne aussi des bancs au moyen de lianes très dures.
Dans la forêt, il est possible de
survivre avec les connaissances indispensables comme celle de reconnaitre la
liane qui filtre l’eau et en fait une eau potable pour l’homme.
On visite ainsi comme un jardin extraordinaire.
Je lui dis que c’est incroyable,
même lui vivant ici ne peut pas ne pas s’en rendre compte. Il me dit que oui,
c’est beau.
J'ai respecté la nature, j'ai crié a l'interieur.
Levés aux aurores le cinquième jour, on prend le premier bateau rapide jusque Iquitos que l’on atteint dans la matinée. De retour au developpement...