Je débute la journée fatigué, la
faute à cette chaleur humide dès le matin.
En sortie de la ville, je monte
et descends des petites collines. J’imagine qu’avant la nature avait la
luxuriance de la forêt mais elle a aujourd’hui laissé place à des champs pour l’élevage.
Il y a très peu de circulation et je ne croise que de rares moto taxis.
Après trois heures de route, je m’arrête pour
manger un bout. Il n’y a personne alentour et je mange un classique: riz
et poulet entourés d’une feuille de bananier acheté en partant.
Je me suis arrêté près des seuls
arbres vus depuis un moment et j’ai l’agréable surprise d’y observer des petits
singes intrigués par ma présence.
En tout début d’après-midi, je
dois mettre pied à terre, la route est barrée. Il y a quelques années, la route
que j’emprunte n’était rien de plus qu’un chemin boueux. Aujourd’hui elle est neuve mais une dernière
portion n’est pas tout a fait terminée.
Elle ne s’ouvre qu’en fin de
journée pour laisser passer les quelques véhicules l’empruntant.
J’arrive devant le barrage, je
vise un type en uniforme et avance droit sur lui.Au départ, j’essuie un refus du
type « Monsieur veuillez lire les panneaux, c’est écrit noir sur blanc,
ordre a été donné de ne laissez personne avant 18h ».Je parlemente, toujours cette
technique du cycliste qui passe partout, qui ne roule pas de nuit et attendre
ici me condamnerai de fait. J’y mélange une pointe d’innocence
et de tête de chien battu et…Il me laisse passer.
Ensuite?…Je suis tout seul sur la
route.
Le plat laisse place à de la
petite montagne. Et dans une côte,
on me hèle à savoir si je veux des fruits. Je fais la connaissance de
Raul Sanchez Garcia et de sa voisine. Il m’offre un fruit de la forêt qui m’est
totalement inconnu, l’ Humari. C’est plutôt savoureux. Il poussera même l’hospitalité à courir me
chercher des papayes. Il me parle de ses projets d’ouvrir une guérite de
fruits quand la route sera définitivement ouverte.
Avis aux futurs voyageurs, kilomètre
50, Raul, vendeur de fruit.
Je continue ma route mais bientôt
je fais face à un nouveau barrage. Le type est remonté en me voyant arriver,
pourquoi m’a-t-on laisser passer. Je lui explique mon cas mais il ne veut rien
savoir cette fois. Il est vrai qu’au virage d’après, les travaux sont d’une
tout autre mesure et les écoulements de terrains possibles.
Il est environ 16h, le temps est au beau fixe,
je ne demande qu’à continuer. Mais, il est catégorique impossible de passer. Je
vais un peu m’énerver, lui expliquer que je ne pourrais arriver à Tarapoto
autrement que dans la nuit s’il ne me laisse pas passer avant 18h.
J’essuie un nouveau refus avec l’ingénieur
en chef. J’ai beau joué sur la corde collègue, entre ingénieur…Nada.
Résultat, Je dois prendre mon mal
en patience. Je fais la connaissance d’une famille, elle m’offre de la chicha
(boisson fermentée) et des vers de palmes à manger.
18h, il commence à pleuvoir et à
faire nuit, et je reprend le vélo…furieux. J’appuie sur les pédales comme un
dératé mais bientôt la nuit est là. J’imagine comment la route doit être belle de jour mais ce qui me préoccupe
là tout de suite, c’est cette route qui n’arrête pas de monter.
Et puis arrive le flot des voitures et bus
bloqués jusqu’à présent. Je termine en damné dans des lacets en me
mettant dans le fossé à chaque fois que des phares apparaissent derrière moi,
peur de ne pas être vu.
Enfin, c’est la descente, rapide
et seulement éclairé de ma frontale. D’un des nombreux minibus qui me
double s’échappe un cri: « Julien! »...C’est Carlos, il sera aussi à
Tarapoto ce soir.
Je termine sur les rotules et m’écroule
sur un banc de la place centrale.
(NB: Pour la petite histoire, je vais revoir le
type qui n’a pas voulu me laisser passer, le lendemain dans un bar de nuit, et
je vais lui conter tout le bien que j’ai pensé de lui la veille.)