Trujillo - Caraz (4 jours, 261 kms)
Jour 1
Je laisse en effet une trace de mon passage
chez Lucho en écrivant dans le livre d’or. Les premiers messages datent en 1985
et j’y retrouve des noms de cyclistes que je connais car ce sont ceux là mêmes
qui en écrivant le récit de leurs voyages ont nourri les rêves de mon voyage présent. Des livres dévorés à Paris avant le départ, des
personnages idéalisés et moi aujourd'hui qui y laisse ma trace…
Le paysage est tout à fait désertique. Le
manque d’eau fait de l’endroit un désert de sable. Je longe la cote en début de
journée mais bientôt le spectacle est essentiellement minéral. Ca monte et ca descend, je suis à l’écoute de
mon corps, la moindre sensation est analysée par une tête qui se rappelle au
bon souvenir d’heures passées sur le vélo.
Je croise un couple de cyclistes anglais en
route vers la casa ciclista. Ils me renseignent sur la route et on se quitte
après quelques minutes. Ensuite c’est une longue traversée du désert, en
littéral dans le texte. Je croise de rares villages, déjeune le long de la
route, échangeant avec des camionneurs autour d’une assiette consistante.
Je ne suis pas particulièrement ravi de les
voir déverser ma bouteille d’eau dans leur moteur mais bon il me reste un peu
de pain, je m’en contenterais. Ils repartent aussitôt, la nuit vient de
tomber.
Jour 2
Le réveil est aussi minéral que le coucher.
Je petit déjeune et remballe dans la fraicheur
du matin. Je suis tôt sur le vélo. La lumière est belle, le coin est désertique,
je savoure l’instant. Je roule deux heures en voyant en tout et pour
tout, un camion.
Ça le
fait rire et il m’indique tout de même l’échoppe ou je peux acheter de l’eau
version bouteille plastique.
Je reprend la route sous le soleil, c’est
toujours aussi désertique et je suis toujours aussi seul. Finalement la route privée se termine et je
retrouve sur de l’asphalte. Je fais quelques kilomètres et m’arrête à la faveur
d’un village pour manger. Là encore, on dirait un décor de western.
Je monte environ huit kilomètres avant de me
rendre compte de mon erreur. Je n’ai qu’à m’en vouloir et je ne suis pas
tendre. Je m’insulte dans la descente qui me fais revenir à mon point de départ.
Je fatigue rapidement dans le vent et la poussière.
Et le sort qui s’acharne avec la roue arrière qui crève…Je répare directement
sur la route, ou plutôt sur le chemin. Ensuite, je consulte la carte et décide
d’abréger mes souffrances en réduisant mon objectif du jour.
On mange ensemble le soir, moi, Coco et un
cousin. Hyper volubile Coco va me raconter en plus de l’histoire du train
vapeur passant par ici du temps de sa jeunesse (…), une histoire de famille à
peu près incroyable:
La fille, appelée « gringa » du fait
de la couleur blanche de sa peau, est douée pour les études. Et, elle est envoyée
dès son plus jeune âge, « à la ville » dans un internat grâce à un
peu d’argent économisé par ses parents.
Mais la fille ne reviendra jamais. Une raison
invoquée serait un déni de ses origines très modestes et de la couleur de peau
de sa mère. Elle deviendra comptable et les parents sauront par la suite que la
fille s’envolera vers les Etats-Unis en qualité de cadre dans une compagnie pétrolière,
quelques années plus tard.
Mais aucun ne se décide… C’est la mère qui décide
de partir avec pour objectif de retrouver…sa fille.
Finalement, la mère et la fille vont vivre
plusieurs mois aux Etats-Unis (je vous passe les détails), mais, trotte
toujours dans la tête de la mère cette pensée. Où se trouverait sa fille à présent?
Elle va
faire des recherches mais en vain et commence à se résigner.
Elle lui explique alors d’où elle vient et le
pourquoi de sa présence aux Etats-Unis.
L’ambassadeur, touché par son histoire, décide
alors de l’aider. Et, de l’avis même de Coco, un ambassadeur, « ça a un sacré
pouvoir ». Une semaine plus tard, la vieille femme reçoit un courrier avec
l’adresse de sa fille perdue. Elle habite désormais…en Allemagne.
L’histoire dit que les retrouvailles n’ont pas été
suivi d’un accueil des plus chaleureux et la vielle femme, la mère, est reparti
deux jours plus tard, ayant réalisé son désir de revoir sa fille mais, trop d’années
avaient passées…
Jour 3
Le lendemain de l’histoire, je fais mes réserves
d’eau et repars dans ce décor de villages fantômes et de routes poussiéreuses.
Et puis au petit matin, je vais passer à moins
de cinq mètres d’un aigle majestueux posé sur une pierre.
Au menu, ces pâtes chinoises instantanées, pas
si mauvaises car en plus des pâtes, je bois l’eau comme une soupe et le mélange
passe bien. Ca n’arrête pas le soleil vous me direz, mais
je repars en meilleure forme et je me lance dans la succession de lacets d’une
route qui vous le savez à présent…est un chemin.
Le contre la montre débute…
J’appuie plus fort sur les pédales, je suis très
fatigué mais pas le temps de tergiverser. Il fait bientôt nuit noire et le
compteur indique encore trois kilomètres avant la fin de la portion des
tunnels. La frontale éclaire très peu et je dois réduire
l’allure. La traversée des tunnels est des plus périlleuse.
Je fais alors des grands signes des bras, je
crie. Je ne voie rien, je suis aveuglé par les phares. Finalement, il s’arrête
avant d’entrer dans le tunnel et me laisse passer. Je dis merci au chauffeur
qui fait des yeux ronds de voir cet étranger sur cette route à cette heure.
Je distingue bientôt les lueurs escomptées
devant indiquer l’entreprise hydro électrique. Mais c’était sans compter sur
une énorme porte interdisant l’accès à cette heure. J’ai beau m’époumoner,
personne ne répond à mes appels…
Je décide de redescendre d’une centaine de mètres,
j’avais aperçu une excavation dans un tunnel.
Jour 4
La journée de vélo du lendemain sera courte. A midi, je retrouve à Caraz le couple de suisses et les deux argentins partis 2 et 1 jour plus tôt de Trujillo.
Je décide de prendre du repos, de rallier
Huaraz seulement le lendemain et de profiter des premiers paysages de montagnes
enneigées.