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hualihza
12 mai 2009

Trujillo - Caraz (4 jours, 261 kms)

Jour 1

Je débute la journée avec l’impression d’appartenir à la grande famille du cyclotourisme.

Je laisse en effet une trace de mon passage chez Lucho en écrivant dans le livre d’or. Les premiers messages datent en 1985 et j’y retrouve des noms de cyclistes que je connais car ce sont ceux là mêmes qui en écrivant le récit de leurs voyages ont nourri les rêves de mon voyage présent. Des livres dévorés à Paris avant le départ, des personnages idéalisés et moi aujourd'hui qui y laisse ma trace…

Lucho m’accompagne jusque la sortie de la ville et puis ça y est, je suis de retour au vélo, à la route en solo.

Le paysage est tout à fait désertique. Le manque d’eau fait de l’endroit un désert de sable. Je longe la cote en début de journée mais bientôt le spectacle est essentiellement minéral. Ca monte et ca descend, je suis à l’écoute de mon corps, la moindre sensation est analysée par une tête qui se rappelle au bon souvenir d’heures passées sur le vélo.

Je croise un couple de cyclistes anglais en route vers la casa ciclista. Ils me renseignent sur la route et on se quitte après quelques minutes. Ensuite c’est une longue traversée du désert, en littéral dans le texte. Je croise de rares villages, déjeune le long de la route, échangeant avec des camionneurs autour d’une assiette consistante.

Je roule toute l’après-midi et en fin de journée prend un raccourci qui coupe à travers un désert de pierre. La lumière décline, Je pars en quête d’un endroit pour dormir.

J’arrive alors à la hauteur d’un 4x4 en panne. Le radiateur fuit et le moteur surchauffe. Ils ont un besoin crucial d’eau sinon il y a des chances pour qu’ils passent la nuit ici. J’ai fait des réserves d’eau au village précédent pour boire bien sur mais aussi dans la perspective d’un campement et de la cuisson des pâtes. C’est le dilemme, le cycliste David va-t-il offrir l’eau de son repas du soir pour laisser aller le 4x4 Goliath?

Je ne suis pas particulièrement ravi de les voir déverser ma bouteille d’eau dans leur moteur mais bon il me reste un peu de pain, je m’en contenterais. Ils repartent aussitôt, la nuit vient de tomber.

Je suis seul, dans un désert minéral. Ce soir, ce sera hôtel 1 million d’étoiles. Je déploie la tente derrière un talus de pierres, mange un reste de pain avec une boite de thon et m’endort doucement, la tête tournée vers les constellations inconnues de l’hémisphère sud.


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Jour 2

Le réveil est aussi minéral que le coucher.

Je petit déjeune et remballe dans la fraicheur du matin. Je suis tôt sur le vélo. La lumière est belle, le coin est désertique, je savoure l’instant. Je roule deux heures en voyant en tout et pour tout, un camion. Et puis, j’arrive au village de Tanguche. Le village parait fantôme au départ avec des petits tourbillons de poussière formés par le vent.

Je suis à la recherche d’eau. Je rencontre une première personne qui m’indique un robinet. Je fais bien de commencer à remplir une bouteille plastique et non mes bidons opaques…L’eau n’est pas trouble, elle est marron. Je souris et m’excuse de ne pouvoir boire de cette eau...indiquant que mon estomac d’européen ne supporterait pas.

Ça le fait rire et il m’indique tout de même l’échoppe ou je peux acheter de l’eau version bouteille plastique.

Je reprend la route sous le soleil, c’est toujours aussi désertique et je suis toujours aussi seul. Finalement la route privée se termine et je retrouve sur de l’asphalte. Je fais quelques kilomètres et m’arrête à la faveur d’un village pour manger. Là encore, on dirait un décor de western. Et puis, ma bêtise va me faire prendre à gauche au lieu de continuer tout droit.

Je monte environ huit kilomètres avant de me rendre compte de mon erreur. Je n’ai qu’à m’en vouloir et je ne suis pas tendre. Je m’insulte dans la descente qui me fais revenir à mon point de départ. La véritable route tient plus du chemin que de la route et, je m’engage…sur la pire des pistes depuis mon départ de Mexico.

Je fatigue rapidement dans le vent et la poussière. Et le sort qui s’acharne avec la roue arrière qui crève…Je répare directement sur la route, ou plutôt sur le chemin. Ensuite, je consulte la carte et décide d’abréger mes souffrances en réduisant mon objectif du jour.

Je vais atterrir chez « Coco ». Il possède un restaurant/point téléphone en bord de route. Il est habitué à voir des « gringos » passer un vélo et je ne suis pas le premier à faire du camping sous le porche de l’entrée.

On mange ensemble le soir, moi, Coco et un cousin. Hyper volubile Coco va me raconter en plus de l’histoire du train vapeur passant par ici du temps de sa jeunesse (…), une histoire de famille à peu près incroyable:

Sa grand-mère, de peau foncée, a eu beaucoup d’enfants. De sa première union avec un homme de peau plus blanche, elle en a eu une fille et un fils.

La fille, appelée « gringa » du fait de la couleur blanche de sa peau, est douée pour les études. Et, elle est envoyée dès son plus jeune âge, « à la ville » dans un internat grâce à un peu d’argent économisé par ses parents.

Mais la fille ne reviendra jamais. Une raison invoquée serait un déni de ses origines très modestes et de la couleur de peau de sa mère. Elle deviendra comptable et les parents sauront par la suite que la fille s’envolera vers les Etats-Unis en qualité de cadre dans une compagnie pétrolière, quelques années plus tard.

La grand-mère de Coco, une femme robuste, qui mourra à plus de 100 ans, émet un désir vers ses 80 ans… celui de revoir sa fille. Mais, comment la retrouver?

C’est alors, qu’un de ses fils, aussi parti tenter sa chance aux Etats-Unis décède avant elle et laisse un petit héritage. La belle famille invite alors frères et sœur du défunt à se rendre aux Etats-Unis afin de faire connaissance.

Mais aucun ne se décide… C’est la mère qui décide de partir avec pour objectif de retrouver…sa fille. Elle se rend donc sur place avec une autre de ses filles et font alors connaissance à l’aéroport, deux mondes qui ne s’étaient jamais rencontré.

Finalement, la mère et la fille vont vivre plusieurs mois aux Etats-Unis (je vous passe les détails), mais, trotte toujours dans la tête de la mère cette pensée. Où se trouverait sa fille à présent?

Elle va faire des recherches mais en vain et commence à se résigner. Et puis un matin, qu’elle tricote sur le devant de la maison des tissus traditionnels du Pérou, une voiture élégante s’arrête et en descend ni plus ni moins qu’un…ambassadeur. Il s’est arrêté en voyant cette vieille femme tricotant son artisanat.

Elle lui explique alors d’où elle vient et le pourquoi de sa présence aux Etats-Unis.

L’ambassadeur, touché par son histoire, décide alors de l’aider. Et, de l’avis même de Coco, un ambassadeur, « ça a un sacré pouvoir ». Une semaine plus tard, la vieille femme reçoit un courrier avec l’adresse de sa fille perdue. Elle habite désormais…en Allemagne.

Billet d’avions (à l’époque), la vieille dame se rend en Allemagne, fait encore quelques centaines de kilomètres dans un pays inconnu et se présente chez sa fille. Une petite fille vient lui ouvrir et s’en va chercher…sa grand-mère. C’est que la petite « gringa » a grandi et a désormais…les cheveux blancs.

L’histoire dit que les retrouvailles n’ont pas été suivi d’un accueil des plus chaleureux et la vielle femme, la mère, est reparti deux jours plus tard, ayant réalisé son désir de revoir sa fille mais, trop d’années avaient passées…

Pas de moralité, ni de conclusion à cette histoire, juste une histoire dans le temps, une histoire de famille péruvienne, en passant, comme çà, sur la route…


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Jour 3

Le lendemain de l’histoire, je fais mes réserves d’eau et repars dans ce décor de villages fantômes et de routes poussiéreuses. Je suis plus reposé que la veille et le moral est revenu. La route me réapparait belle et non plus comme un calvaire.

Et puis au petit matin, je vais passer à moins de cinq mètres d’un aigle majestueux posé sur une pierre. Et cinq minutes plus tard, c’est au tour d’un fennec de croiser ma route. Je fais durer les rencontres le plus longtemps possible, on croise les regards mais ils finissent par s’en aller soucieux d’un danger qui n’existe pas.

Tout au long de la route, je longe le rio Santa. Je suis au fond d’un canyon, sur une route empierrées et poussiéreuse à faire du vélo. Le paysage est souvent magnifique. Quelques cascades d’eau égayent le chemin et me permettent de faire un brin de toilette. Je passe aussi de nombreux tunnels.et une mine.

En milieu de journée, la route commence à monter. Je sais qu’il y a un village plus haut et surement un restaurant bien accueillant mais l’heure avancée et le soleil chaud du matin ont eu raison de mes énergies. Je dois m’arrêter et manger quelque chose.

Au menu, ces pâtes chinoises instantanées, pas si mauvaises car en plus des pâtes, je bois l’eau comme une soupe et le mélange passe bien. Ca n’arrête pas le soleil vous me direz, mais je repars en meilleure forme et je me lance dans la succession de lacets d’une route qui vous le savez à présent…est un chemin.

Je peine à rallier le village mais « poco a poco » (peu à peu), j’y parviens. Je prend des nouvelles des cyclistes partis avant moi de Trujillo. On me répond que les deux argentins ont dormi là cette nuit et sont partis ce matin…Je ne devrais pas tarder à les rattraper.

Quelques heures plus tard encore, j’arrive à Huallanca. Je pourrais m’arrêter mais Coco m’a dit qu’après cette ville, je passerais plusieurs tunnels et ensuite il me sera possible de demander l’hospitalité à l’entreprise hydro électrique présente à cet endroit. Je suis ses conseils, fait mes emplettes pour le repas du soir version camping et reprends la route.

Le contre la montre débute…

Le soleil baisse rapidement car il est caché par les montagnes. Et la route consiste, à ma gauche, en un précipice, à ma droite, la paroi de la montagne. Impossible donc de camper, la lumière décline et je dois traverser des successions de tunnels à la faible lumière de ma frontale.

J’appuie plus fort sur les pédales, je suis très fatigué mais pas le temps de tergiverser. Il fait bientôt nuit noire et le compteur indique encore trois kilomètres avant la fin de la portion des tunnels. La frontale éclaire très peu et je dois réduire l’allure. La traversée des tunnels est des plus périlleuse.

Je suis au milieu de l’un d’eux quand un camion se présente, m’éblouissant de ses phares. Il est impossible de passer à deux véhicules dans le tunnel. Je ne suis pas très large mais ce serait dangereux pour s’engager les deux.

Je fais alors des grands signes des bras, je crie. Je ne voie rien, je suis aveuglé par les phares. Finalement, il s’arrête avant d’entrer dans le tunnel et me laisse passer. Je dis merci au chauffeur qui fait des yeux ronds de voir cet étranger sur cette route à cette heure.

Je distingue bientôt les lueurs escomptées devant indiquer l’entreprise hydro électrique. Mais c’était sans compter sur une énorme porte interdisant l’accès à cette heure. J’ai beau m’époumoner, personne ne répond à mes appels…

Je suis coincé? Peut être bien…

Je décide de redescendre d’une centaine de mètres, j’avais aperçu une excavation dans un tunnel. Je suis en version peu m’importe le lieu pour ce soir, mes jambes crient repos. Et, les choses sont bien faites, je trouve l’entrée d’un bout de tunnel désaffecté, ma chambre pour la nuit…


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Jour 4

La journée de vélo du lendemain sera courte. A midi, je retrouve à Caraz le couple de suisses et les deux argentins partis 2 et 1 jour plus tôt de Trujillo.

Je décide de prendre du repos, de rallier Huaraz seulement le lendemain et de profiter des premiers paysages de montagnes enneigées.

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Commentaires
A
Joli histoire, dudule, point trop de sévérité quand tu te trompes, grand... voyager, n'est-ce pas aussi, un peu, se perdre? <br /> <br /> des bises
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