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hualihza
21 juin 2008

Jour 17 : Chiapa de Corzo – San Cristobal de las Casas (55 km)

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, cette journee de velo a ete extremement difficile, extrememement.

Le decor : Chiapa de Corzo est a 400m d’altitude, San Cristobal de las Casas, a 2200m, soit 1800m de dénivelé (plus de cinq fois le Menez Hom, point culminant du Finistère!).

Récemment, ils ont construit une autoroute, la nationale étant une folie de montées et de virages. Pour autant, si l’autoroute est plus rectiligne, elle ne peut s’empêcher de monter.

Je commence la journée en rejoignant l’entrée de l’autoroute. Il y a une caseta (péage). Ma technique est de passer sans rien demander. Pourtant un policier me repère et m’arrête. « Non, c’est impossible de monter à vélo, il y a déjà eu des accidents, etc, etc ». Je proteste, lui dit que d’autres l’ont déjà fait avant moi, cherche a l’impressionner avec mon projet, du fait que j’arrive de Mexico DF en ayant fait chaque km de la route et qu’il n’y a pas moyes de mettre mon velo dans un pickup pour monter. Je dois être persuasif car il me laisse rapidement passer.

Et commence l’enfer.

Il fait chaud, je suis sur la bordure d’une autoroute qui ne fait que monter. Imaginez une cote de 5% minimum sur 45 kms avec des passages encore plus difficiles. Et ca ne descend absolument jamais. Pas de plat non plus. Trop facile ils ont du se dire.

J’ai mal très vite. Au dixième kilomètre, je regarde l’altimètre, je suis a 800m d’altitude, autant dire rien.

Je commence sérieusement à me poser des questions et me demande si ca va être possible d’arriver en haut. En fait au fond de moi, je n’y crois pas, c’est trop dur.

Dans cette journée, j’ai failli abandonner dix mille fois. C’est vrai, a quoi ca sert tout ca, il ne suffit de lever la main et demander a me charger, je trouverais surement un âme charitable pour le faire.

Au kilomètre 22, je n’ai plus d’eau. Pas prévu assez, il fait très chaud et pas d’échoppes a l’horizon. Pour tout vous dire et pour entrer un peu plus dans les turpitudes de mon esprit, je me vois encore boire plus que de raison quelques kms plus bas en me disant que si j’ai plus d’eau, alors je serais oblige d’arrêter. L’esprit qui se cherche des excuses. C’est vraiment très, très dur.

Kilomètre 22 donc, un petit renfoncement, quelques voitures s’arrêtent, toutes pour la même chose…faire refroidir le moteur.

Je demande a chaque fois s’ils peuvent me dépanner mais personne n’a d’eau potable. Je m’arrête bien 20 minutes et me dis que c’est fini.

Et puis, je vais demander a un ouvrier de l’autre cote si lui pourrais me remplir un bidon mais il n’a que des sodas. Par contre il me dit qu’il y a une « tienda » (échoppe) ou ils vendent de l’eau 6 km plus haut.

Sur le coup je souris, impossible et puis l’idée fait son chemin.

22+6=28, j’aurais récupère, ferais quelques kilomètres et commencerai le compte a rebours des dix derniers kilomètres. L’esprit calcule et j’ai une feuille de route, un espoir…Le corps tout entier crie stop.

Je reprends tout de même le velo en me disant que chaque kilomètre est une victoire. Ca me rappelle le marathon, c’est du grand n’importe quoi. Je suis dans une entreprise complètement folle. Je suis complètement séché et m’arrête tous les 500m.

Arrive le km 28 et…Rien !

Je suis fou. A ce moment la, vont commencer les vertiges. Je me concentre pour ne pas m’évanouir. Ma bouche est trop sèche pour déglutir. Mais je m’accroche, les derniers kilomètres ont été trop durs pour que je m’arrête maintenant.

2 kilomètres dans l’enfer et enfin la délivrance. La tienda est la, juste plus haut. Je l’ai en visu et pourtant je dois m’arrêter encore deux fois avant de l’atteindre.

J’arrive enfin. Ceux qui montent en voiture grignotent en souriant. Moi, j’arrive en damné.

Je descends de velo, les jambes flagellent. Je m’écroule sur une chaise et dans un souffle demande une bouteille d’eau. Je n’arrive pas a articuler avec la bouche mais laisse échapper un « agua ».

Je revis. J’enchaine sur un jus de fruit et trois mangues. Les vertiges disparaissent, l’énergie remonte.

Pour la première fois, je commence a y croire. Avant, la tête était bloquée sur : je m’arrête le plus loin possible, je serais allé au bout. Il faut savoir reconnaitre ses limites, resté humble, j’aurais donné le maximum, etc, etc.

J’enfourche le velo. Mais croyez pas que ce soit fini. La cote ne s’arrête jamais et mes jambes crient de douleur.

J’augmente l’objectif en me disant que je fais une pause tous les deux kilomètres mais c’est souvent trop dur et je m’arrête avant.

Mais ca monte, les dix derniers kilomètres approchent et l’altimètre s’est débloqué.

J’y arrive, j’y arrive. Je n’arrive pas a y croire moi-même. J’étais persuade de ne pas pouvoir le faire et pourtant. Enfin 2200m d’altitude, une dernière cote, et la, oui, c’est San Cristobal !

J’explose de joie, je crie et on a du m’entendre dans toute la vallée. Je crois que j’ai vécu une des expériences les plus difficiles de ma vie. Au moment de la délivrance, je dois avoir un tsunami chimique et hormonal en moi et je vais continuer a crier pendant 10 minutes.

Je suis incroyablement heureux. Aux premières personnes que je croise après le sommet, je les dévisage avec surement un regard de possédé et je crie « Lo logre ! » (J’ai réussi !)

Les derniers hectomètres en descente vers la San Cristobal sont un bonheur et j’entre dans la ville quelques minutes plus tard les poings serres, un rictus de fierté personnelle accroche aux lèvres.

Je suis bientôt dans le centre et sur la place de l’Eglise principale.

Un ami m’y attend, je saute du velo et je crie a nouveau.

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San Cristobal!

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Commentaires
A
Meilleur -ou pire- que le régime Biba-feuilles-de radis-cacahuettes cette lecture... on souffre vraiment avec toi! Même on s'essouffle... d'ailleurs on transpire et c'est fini pour le reste de l'open space là ! et au final,... tu m'époustoufles! <br /> <br /> Du grand, dud! Bravo!
A
Pardon pour le "s" qui s'est malencontreusement glissé à la fin du mot "converti" dans le commentaire ci-dessus!<br /> <br /> Oups!
A
Comme a mon habitude à présent quand je me connecte sur le net, je commence par venir voir si tu as publié de nouveaux billets sur ton blog....aujourd'hui bingo, 3 nouvelles journées nous sont contées...et quelles journées!<br /> <br /> En te lisant je ne peux m'empêcher de penser a une discussion que nous avions une petite semaine avant ton départ. En parlant de ton projet et des efforts physiques à venir tu m'as tenu des propos du genre: "je ne vise pas l'exploit sportif à faire des centaines de km par jour (...) j'irai à mon rythme et tant pis si je ne fais que 30km dans ma journée etc etc.."<br /> <br /> Du coup, aujourd'hui je souris en te lisant car même s'il y des imprévus comme le manque d'eau en pleine montée, tu ne m'as pas l'air de choisir systématiquement la facilité... et l'exploit sportif me semble bien au rendez-vous! Ou alors peut-être ne le définit on pas de la même façon!<br /> <br /> Pluie, inondations, soif, serpents, montagnes ou devrais-je dire "curvas"...rien ne t'arrête, alors jusqu'au bout!<br /> <br /> Caco, Lucie, ma tante Anne, et bientôt ma mère qui vient d'acheter un pc et qui sera donc prochainement une "cyber" maman, j'ai convertis quelques personnes à ta lecture! Je te tire mon chapeau et te salue de la part de tout ce petit monde.<br /> <br /> Bonne route,<br /> Antoine.
S
Hola Hernano,<br /> <br /> Le Menez Hom ne t'a pas fait peur, et ca c'est grand! Je serai bref: Bravo !!!!!<br /> <br /> Sam.
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